Des Havrais qui déchirent #2 : Ismaël Habia

Ismaël Habia Les improbables Le HavreCette année, Le Havre fête ses 500 ans et moi je fête mes 10 ans de vie au Havre. Je suis chaque jour un peu plus fascinée par ma ville, un peu plus heureuse d’y vivre et d’y élever ma fille. J’ai eu envie de vous parler du Havre à travers les Havrais. Des Havrais reconnus, des Havrais inconnus, des Havrais qui font bouger la ville, qui l’embellissent. Des Havrais qui me touchent. Des Havrais qui déchirent. 

La première fois que j’ai vu Ismaël, c’était sur scène, il y a environ 7 ans. Je me souviens très bien m’être tordue de rire toute la soirée, et être ressortie de la salle du mascara plein les joues. Il forme avec Laëtitia Botella, François Derivery et Bastien Le Moan la compagnie d’improvisation théâtrale « Les Improbables », depuis 2004. Aujourd’hui entre les mercredis de l’impro, le festival 24h Kino ou encore le mondial de l’impro qui vient de se terminer, c’est bien simple : les improbables sont partout ! J’en ai profité pour rencontrer ce grand clown de 38 ans, comédien et humoriste, heureux papa et havrais qui déchire.

Ismaël Habia Les improbables Le Havre

L’aventure des Improbables commence alors qu’Ismaël vient d’être embauché en tant qu’ingénieur informaticien. « J’ai commencé l’impro jeune, quand je suis entré à l’université. Puis en 2004, on a vu les improvisateurs belges et suisses commencer à se professionnaliser… François (Derivery) rentrait d’un long voyage, on s’est dit qu’on pouvait essayer ». Les deux amis se laissent deux ans pour tenter d’y arriver. « J’ai démissionné, je me suis dit qu’il fallait que j’arrête tout de suite avant de m’habituer à avoir un salaire d’ingénieur ! ». Les contrats de spectacles, de formations arrivent immédiatement.

Les havrais nous font confiance et nous ont donné confiance en nous

« On avait commencé à jouer au Poulailler, un théâtre de 50 places. Ça marchait du feu de Dieu, c’était tout le temps plein, les gens s’inscrivaient sur liste d’attente ! ». Mais bien qu’ils fassent salle comble chaque soir, impossible d’en vivre. Ismaël démarche alors la Ville du Havre pour jouer au Petit Théâtre. « Ça a donné un vrai élan à notre carrière, les mercredis de l’impro sont devenus notre vitrine ». Il reconnaît se sentir « heureux et gâté » : « On a senti l’amour des havrais à chaque nouveau spectacle, à chaque nouveau projet. Ils nous font confiance et nous ont donné confiance en nous ».

La confiance, Ismaël la tient aussi de sa famille. « Il n’y a pas une personne qui peut te donner plus confiance en toi que ma mère. Elle n’a jamais remis en cause un seul de mes choix ! “Tu veux faire ça ? Aucun problème, vas-y ! C’est sûr que tu vas réussir !“ ». Son père était plus inquiet. « Quand j’ai eu mon diplôme d’ingénieur et que je lui ai annoncé que je voulais faire du théâtre, il n’a pas compris. Il a fallu le rassurer. Pour mon père ça passe par un beau chez moi, avec un frigo bien rempli et une grande télé ! ».

Ismaël Habia Les improbables Le Havre

Enfant, Ismaël faisait déjà rire son entourage. « Je ne peux pas mentir, j’ai encore des copains d’enfance qui viennent me voir en spectacle et racontent à tout le monde qu’à l’école j’étais le clown ». « J’ai adoré l’enfance. Mes parents ont été géniaux. Moi je n’ai aucun problème à être avec les autres, et ça c’est grâce à eux. La porte était toujours ouverte, ça rentrait, de toutes les ethnies, de toutes les couleurs ».

Avec l’impro, j’ai trouvé ma place

Ismaël grandit au Havre entre la Mare-Rouge et le Mont-Gaillard. « Des talents il y en a beaucoup dans ces quartiers ! J’avais des potes qui faisaient du rap et pour qui ça marche super bien aujourd’hui, des potes qui faisaient du foot et pour qui ça marche encore mieux aujourd’hui ! Il y avait ceux qui faisaient de la danse… Moi j’ai cherché, j’ai essayé, mais en rap, en foot, en danse j’étais nul ! Quand j’ai trouvé l’impro, c’est comme si j’avais un trouvé un truc dans lequel je me sentais bon, comme si j’avais trouvé MON truc ! ».

L’impro aide Ismaël à se trouver, à construire son identité. « Mes deux parents sont algériens. C’est con ce que je vais dire mais je me suis senti vraiment français grâce à l’impro ». Pour les besoins des championnats d’improvisation, il voyage en Belgique, au Québec, en Suisse, en Italie… « J’y viens en tant que membre de l’équipe de France, on me présente comme français. Personne ne se dit “Le gars il est d’origine maghrébine !“. C’est étrange d’aller chercher ce sentiment à l’étranger, mais c’est là-bas que je l’ai trouvé. Ce problème identitaire peut être compliqué à vivre… Avec l’impro, j’ai trouvé ma place. Et puis c’est comme ça que je gagne ma vie, c’est comme ça que je reçois plein d’amour, c’est même comme ça que j’ai rencontré ma femme ! Quant à la compagnie les Improbables, c’est ma famille ».

En parallèle des spectacles, la compagnie organise des stages en entreprise, donne des cours d’improvisation… « Il y a quelque temps, on a fait jouer des gamins des quartiers Mare-Rouge, Mont-Gaillard, Bois de Bléville, Caucriauville, Bléville, Quartier de l’Eure au Théâtre de l’Hôtel de Ville. Ils ont joué ensemble, il n’y avait pas deux équipes, il n’y en avait qu’une. On ne voulait pas qu’ils jouent les uns contre les autres. Un groupe jouait, l’autre était spectateur. Je peux te dire que le vivre-ensemble, on l’a eu le temps d’une soirée. Il y avait toutes les classes sociales, tous les quartiers, toutes les couleurs. Garçons, filles, handicap, pas handicap. Ils avaient entre 13 et 15 ans, le pire âge ! Et ils y sont arrivés. S’ils y arrivent, pourquoi pas nous ? C’est ça qu’on doit apprendre à nos enfants, à vivre ensemble ».

Si mon fils fait des conneries, je joue le sketch du papa énervé !

Ismaël est papa d’un garçon de 7 ans. « J’ai une vie de famille très particulière parce que ma femme et mon fils vivent à Lausanne, en Suisse. Je vis la moitié de la semaine au Havre, l’autre moitié là-bas ». Si vous suivez Ismaël sur les réseaux sociaux, vous comprendrez maintenant pourquoi il utilise si souvent le hashtag “#sncfmonamour “. « Je fais environ 21 heures de train par semaine. C’est quasiment un mi-temps quand on y pense ! ». S’il culpabilise de n’être plus présent, il se dit que certains parents vivent dans la même ville que leurs enfants et les voient moins que lui. « Pour mon fils c’est normal, on a toujours vécu comme ça. Le soir on se fait un Skype et puis le jeudi je vais le chercher à l’école. À partir de là on est tout le temps ensemble, je l’emmène partout ».

Ismaël, papa qui déchire ? « J’essaie d’être un bon papa, je donne le max. Je veux lui apporter de la curiosité, pour moi c’est la qualité la plus importante. C’est dur le boulot de papa ! Il faut savoir mettre la pression quand il faut, leur donner la confiance et en même temps leur faire comprendre les règles… Ce qui est pratique c’est que s’il fait des conneries, je fais la grosse voix sur commande, je joue le sketch du papa énervé ! ».

« Ce serait bizarre de dire le contraire mais je l’aime vraiment plus que tout. L’amour inconditionnel tu le découvres quand tu as un enfant. Le fait que même quand il te casse la tête comme c’est pas permis, ce moment où il s’endort, où tu le regardes et où tu te dis… Merde c’est mon fils ! ».

Ismaël Habia Les improbables Le Havre

Au quotidien, Ismaël confie être aidé par sa foi. « Quand j’étais petit, le racisme c’était de dire “les arabes sont des voleurs“. Si tu volais pas, c’était bon. Aujourd’hui ça a changé, on est potentiellement tous des terroristes… J’espère que ça va s’arranger. Je suis optimiste ». De confession musulmane, il n’hésite jamais à dire qu’il est croyant. « Ça me donne un équilibre. J’y trouve mon psy en direct, on communique quand j’en ai envie et en plus je ne paye pas la séance ! ».

Le secret de la bonne humeur d’Ismaël ? « J’essaie d’être cool, d’avoir le sourire le plus possible. Ça sourit aux gens, ça te sourit à toi-même. Bon et j’avoue, j’exerce un métier qui fait que je me marre tout le temps, ça aide ! ».

Que représente Le Havre pour toi ?

« Le Havre c’est ma ville, c’est chez moi. J’ai appris à l’aimer. Au début c’était plus conflictuel, j’habitais sur les hauteurs, on disait qu’on “descendait en ville“, comme si c’était pas vraiment la nôtre. J’allais au ciné boulevard de Strasbourg et à chaque fois que le film se terminait, il n’y avait plus de bus. Alors soit tu ne voyais pas la fin du film, soit tu remontais à pied. Je faisais partie de ceux qui remontaient à pied !

Aujourd’hui je l’aime vraiment, j’aime m’y balader, la faire découvrir. C’est une ville à taille humaine, une vie de village à l’échelle d’une ville. Ici on peut vraiment rencontrer les gens. Et j’aime son architecture qui casse des gueules. C’est du béton, c’est bourru, à l’image des havrais ! »

Qu’est-ce qu’un havrais qui déchire ?

« J’ai plein de potes qui déchirent. Médine [le rappeur] c’est un havrais qui déchire ! Il a été critiqué par sa propre ville mais il a toujours été son ambassadeur. À chaque fois qu’il commence un morceau il dit qu’il vient du Havre ! Quand tu es un ambassadeur de ta ville, connu ou pas connu, que tu la défends, tu es un havrais qui déchire »

Ton secret pour faire de chaque jour une fête ?

« Les potes, la famille… S’entourer. Plus t’es nombreux, plus ça marche ! »

Les adresses d’Ismaël

  • « La plage. J’adore y aller avec mon fils ou tout seul. Ou même juste savoir qu’elle est là. Prendre un verre avec rien en face, juste la mer, ça n’a pas de prix »
  • « La bibliothèque Niemeyer, elle tue. À chaque fois on se prend une claque. Même les fauteuils t’as envie de les embarquer chez toi ! »
  • « Jean-Luc Tartarin il déchire sa mère. Manger chez un double étoilé pour 39 balles, où tu trouves ça ? ». 73 avenue Foch.
  • « La Taverne Paillette, LE resto où on va après les spectacles parce que c’est le seul qui sert aussi tard ! ». 22 rue Georges Braque.

« Mais ce que j’aime avant tout, c’est les Havrais. Plus que les lieux, j’adore entrer parler avec untel, aller voir machin. Ce sont les gens qui comptent »

Ismaël Habia Les improbables Le Havre

• Les mercredis de l’impro. Un mercredi par mois au Petit Théâtre, 28 rue du Général Sarrail.
• L’art d’avoir toujours raison. Le one man show d’Ismaël le 12 mai 2017 à la Forge à Harfleur.
• Le site web des Improbables

Ismaël a choisi le Tote bag « Papa qui déchire » !

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